Concept de petit jardin productif élaboré à la base par l’ONG « Send a cow » pour les climats africains arides, le keyhole garden ou jardin en trou de serrure s’est exporté un peu partout sur la planète, notamment grâce au réseau des Incroyables Comestibles ! Économique en eau et autofertile, ce type de petit jardin ultra-productif a, en effet, de quoi séduire sous de nombreuses latitudes.
Petite astuce : le Keyhole garden peut-être un support idéal pour planter des herbes aromatiques et médicinales.
Le Keyhole garden : un concentré d’ingéniosité
Sorte de butte de culture, le keyhole garden est un support potager qui met en oeuvre, de manière ingénieuse, plusieurs principes de permaculture.
Un trou de serrure : une forme originale favorisant les effets de bordures
Comme toujours en permaculture, il n’y a pas qu’une seule et unique manière de construire un keyhole garden et chacun fera selon ses moyens, son contexte et les ressources qu’il a sur place !
Sa forme générale reste quand même une constante et c’est de là que l’ouvrage tire son nom de jardin en « trou de serrure » : il s’agit d’une butte de forme ronde dont le pourtour n’est pas fermé, laissant un passage (créant, vu du dessus, la forme d’un trou de serrure) pour pouvoir atteindre son centre.
C’est un support de culture qui favorise les effets de bordures et la création de microclimats propices à la biodiversité et aux plantes cultivées dessus.
L’effet de bordure est un principe fort de la permaculture que nous vous conseillons d’appliquer partout et notamment sur vos cultures pérennes ou vivaces.
En effet, un jardin en trou de serrure est généralement surélevé d’au moins 50 cm (voire plus, parfois jusqu’à 1,50m) grâce à des bordures solides, de préférence non maçonnées pour laisser passer les insectes auxiliaires dans les interstices de ces bordures. Elles peuvent être faites de pierres, de briques, de tuiles en terre cuite, de planches de bois, de pneus, de palettes, de bouteilles en verre…etc.
Le choix des matériaux pour ces bordures est à réfléchir par rapport à ce que vous avez sur place, mais aussi à votre contexte, car il aura un impact important sur la capacité de l’ensemble de l’ouvrage à capter et diffuser la chaleur du soleil dans la terre.
En effet, selon le niveau d’inertie thermique des matériaux utilisés, l’accumulation de chaleur et sa diffusion pendant la nuit varieront avec un impact non négligeable sur la levée des semis et la croissance des végétaux : plus de chaleur captée en journée, c’est une terre se réchauffant plus vite dans laquelle on peut planter plus tôt; c’est aussi plus de chaleur diffusée pendant la nuit et moins d’écarts de température entre le jour et la nuit offrant un milieu plus favorable aux végétaux !
Un composteur intégré pour le maintien de la fertilité
L’ingéniosité du keyhole garden tient notamment à son système central : un composteur intégré à la structure globale.
Placé au centre du cercle, il favorise les échanges entre l’espace de compostage et le substrat de plantation tout autour. Les vers de terre et autres décomposeurs du compost peuvent circuler librement entre le composteur central et le substrat, diffusant les nutriments dans l’ensemble du keyhole garden de façon lente et harmonieuse.
On accède au composteur par le passage fait dans le cercle formant le fameux trou de serrure et on peut ainsi l’alimenter facilement et régulièrement avec nos déchets de cuisine et autres matières organiques à disposition !
Un substrat de plantation inspiré de plusieurs techniques en permaculture
Autre point important rendant ce type de petits jardins en permaculture très productifs : un substrat de plantation qui retient bien l’eau et sera riche en nutriments, car on aura favorisé la diversité avec des mélanges de matières organiques variées !!
Prendre soin de son sol et surtout parfaitement le connaître est des meilleurs conseils que nous pourrions vous donner.
Fiche tester la texture de son sol
Cette fiche gratuite vous indiquera comment analyser de façon simple et empirique les principales composantes minérales de votre sol.
Connaître votre sol sera une des clés pour mettre en place des stratégies et techniques permacoles véritablement adaptées à votre contexte.
On pourrait résumer la constitution d’un substrat de Keyhole garden à un mélange entre plusieurs techniques de permaculture et notamment entre la technique de la culture en lasagne et celle de la butte façon Philip Forrer. Nous détaillons cela un peu plus bas dans cet article !
Des cheminées d’humidification pour diffuser l’humidité au coeur du keyhole
Ce type de jardin ayant été conçu au départ pour des climats arides où l’eau est rare, ils ont été agrémentés de « cheminées d’humidification » pour capter au mieux la rosée du matin et lui permettre de descendre naturellement au fond du keyhole. Ces « cheminées » sont faites de fagots de branches en bois imputrescibles de préférence (châtaignier, acacia…), d’environ 3 cm de diamètre et suffisamment longues pour toucher le fond du keyhole garden et dépasser au-dessus de sa surface de terre d’au moins 20 cm. Vous en ajusterez donc la longueur selon la hauteur choisie pour votre keyhole garden.
Bien évidemment, selon la région dans laquelle on fait son jardin en trou de serrure, ces cheminées d’humidification ne seront pas forcément nécessaires ! En climat particulièrement humide, par exemple, on préférera s’en passer 😉 !
Comment faire un keyhole garden ou jardin en trou de serrure chez soi ?
Étape 1 : choisir l’emplacement de son keyhole garden
Le keyhole garden peut être assimilé à une culture sur butte permanente assez énergivore à créer et qu’on ne pourra pas déplacer facilement après installation. Il est donc primordial de bien réfléchir à son emplacement dans votre design global afin de le mettre en synergie avec les autres éléments de votre projet.
Parmi les différents outils fournis par la méthodologie de design en permaculture, une analyse des besoins et produits de cet élément keyhole garden pourra notamment être utile à votre réflexion pour trouver l’endroit où il sera le plus pertinent de le mettre pour vous ! C’est une étape qu’on vous conseille, par expérience, de ne pas bâcler, car de cela dépendra grandement l’efficacité de votre keyhole…
Par exemple, la pertinence du composteur central sera effective si celui-ci est régulièrement approvisionné en matières organiques et eau…ce type de jardin doit donc plutôt être situé sur un lieu de passage fréquent, dans une zone proche de là où seront produits les déchets organiques allant au composteur…
Porter une attention particulière à l’orientation ou aux vents – qui assèchent les substrats – est également primordial. Implanter des haies aux bons endroits pour protéger du soleil ou des courants d’air créera des synergies intéressantes.
La haie brise-vent
Besoin de créer une haie brise-vent ?
Cette fiche technique gratuite recense une liste d’essences végétales pertinentes à utiliser pour réaliser une haie brise-vent efficace.
Les plantes y sont classées par strates afin que vous puissiez faire votre sélection selon vos besoins et votre contexte.
Étape 2 : matérialiser au sol l’emplacement et la forme de votre keyhole garden
Une fois votre emplacement défini, vous allez le matérialiser au sol. Délimitez le diamètre extérieur de votre choix (généralement entre 2,50 m et 3,50 m, mais peut être adapté selon vos besoins) et le rond central pour le composteur (de 50 cm à 1 m de diamètre selon le nombre de personnes amenées à déposer régulièrement des déchets de cuisine dans le composteur). Puis, marquez également au sol le passage permettant d’accéder au composteur central.
Étape 3 : Fabriquer la colonne qui formera le composteur central
Plusieurs techniques et matériaux sont envisageables pour créer le composteur central. Ce qu’il faut garder en tête, c’est que son pourtour, quel qu’il soit, doit permettre aux vers de terre, mais aussi aux insectes et autres décomposeurs de la matière organique de circuler sans entrave entre le composteur et le substrat du keyhole garden.
Si vous le faites en piquets de bois uniquement, choisissez un bois imputrescible type châtaignier pour une durée de vie plus longue de l’ouvrage ! Plantez vos piquets sur le pourtour matérialisé au sol pour le composteur en les espaçant de quelques centimètres entre eux. Vous veillerez à ce que ces piquets soient suffisamment grands pour dépasser au-dessus de votre keyhole une fois celui-ci achevé. Donc si vous prévoyez de surélever votre keyhole de 1m par exemple, utilisez des piquets d’au moins 1,30 m, ils dépasseront ainsi d’une trentaine de centimètres une fois votre jardin en trou de serrure terminé.
Vous pouvez aussi utiliser du grillage type grillage à poule pour former cette colonne de compostage. Plantez alors juste quelques piquets sur le pourtour du composteur et entourez-les du grillage pour former la colonne.
On pourra prévoir un couvercle pour fermer ce composteur central afin de le protéger des intempéries en climat trop pluvieux ou de l’évaporation et de la lumière en climat aride par exemple. Cependant, il faudra alors penser à arroser ce compost de temps en temps pour le maintenir humide.
Étape 4 : Mettre en place les bordures extérieures du keyhole garden
En suivant les délimitations faites au sol à l’étape 2, construisez ensuite vos bordures de keyhole avec le ou les matériaux que vous aurez choisis : pierres sèches, briques, bois…sur la hauteur qui vous conviendra le mieux par rapport à vos objectifs et contextes.
Certains permaculteurs ajoutent aux bordures intérieures de leur keyhole un géotextile pour éviter la pousse d’adventices dans les bordures qui pourraient fragiliser l’ensemble. Cela nous semble facultatif, mais chacun fera selon sa sensibilité.
Étape 5 : Mettre le substrat à l’intérieur du jardin en trou de serrure
Une fois la bordure réalisée et le composteur en place, voici une des manières possibles pour remplir de substrat la future zone de plantation :
Comme pour une culture en lasagne, placez au sol une couche de carton pour occulter la lumière aux adventices en dessous et éviter qu’elles ne ressortent dans votre keyhole garden, surtout si vous le faites d’une hauteur assez faible.
En climat humide, pluvieux, on prévoira, au fond du keyhole, une épaisseur de cailloux pour servir de drain.
Comme le fait Philip Forrer, on peut mettre ensuite au fond du Keyhole des troncs d’arbres et grosses branches déjà en cours de décomposition, spongieux et humides.
Remplissez ensuite les vides d’air entre les morceaux de bois avec un mélange de matières vertes et brunes, si possible broyées pour pouvoir bien remplir les interstices entre les morceaux de bois. Vous pouvez utiliser pour cela de la tonte, de la sciure, du BRF (Bois Raméal Fragmenté), des feuilles mortes…
Bien tasser pour faire pénétrer ces matériaux broyés dans les trous et combler le maximum de vides.
Mettez, si vous en avez, une couche de fumier ou compost mûr, puis procédez à un empilement de différentes couches de matières organiques vertes et brunes, exactement comme vous le feriez avec une culture en lasagne, sans oublier de bien humidifier entre chaque couche et de saupoudrer un peu de cendre de bois pour enrichir le tout notamment en potassium et phosphore.
Enfin, terminez par une couche conséquente de terreau/terre végétale/compost qui permettra d’accueillir vos plantations et semis, recouverte d’une couche de mulch organique (paille, BRF, foin, tonte…) pour protéger le tout !
Étape 6 : Placer les « cheminées d’humidification »
Si votre climat, trop sec, nécessite l’installation de cheminées d’humification (fagots de rameaux de bois imputrescible), fractionnez mentalement l’espace de culture de votre keyhole en trois parties égales et plantez une cheminée d’humidification au centre de chacune de ces parties. Une fois installée, votre « cheminée » doit toucher le fond du keyhole et dépasser d’au moins 20 cm au-dessus de la terre.
Et maintenant, à vous de jouer ! Mais n’oubliez pas, avant tout observez votre environnement, analysez votre contexte et ne vous lancez pas à l’aveuglette dans ce type de support de culture, certes très intéressants, mais à ne pas placer à la légère dans un design de permaculture !
Liens intéressants sur le keyhole garden :
https://arpentnourricier.wordpress.com/2011/07/10/un-jardin-en-trou-de-serrure/
Site en anglais :
https://insteading.com/blog/keyhole-garden/
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Permaculture Design
Cet article a été rédigé par l’équipe de notre Bureau d’étude Permaculture Design.
Bonjour,
Je souhaiterai construire un key hole. J’ai bien compris la technique.
Par contre, j’ai une question. J’ai un composteur et mets avec mes déchets alimentaires de la matière sèche (feuille, broyat, branche…)
Faut il mettre de la matière sèche dans l’espace recevant les déchets alimentaires dans le key hole?
Si oui, faut il brasser comme dans un composteur…
Si non, pouvez vous me dire pourquoi.
Un très grand merci pour votre retour.
Bien cordialement
Sophie Poisson
Bonjour Sophie, oui mettre de la matière sèche dans le composteur sera bien pour avoir une diversité de matière et un mélange plus équilibré en carbone / azote.
Vous pouvez mélanger matière fraiche humide et matières sèches avant de les mettre dans votre composteur central de keyhole ou les mettre les unes après les autres en couches fines (sur le principe d’une mini lasagne).
Dans le composteur du keyhole, il ne sera pas nécessaire de brasser, déjà car vu ses dimensions, le brassage n’est pas forcément aisé mais aussi car les vers de compost et autres décomposeurs se chargeront de déplacer ces matières en les consommant et en navigant du compost au substrat.
La principale différence avec un compost classique, en effet, est que dans le keyhole, le composteur central est entouré du substrat de plantation qui inclut les végétaux, dont certains seront coupés et les racines laissées dedans en décomposition devenant, elles aussi, de la nourriture pour la vie du sol et les petites bêtes qui font également le compost. Ces deux ensemble communiquent sur toute la circonférence du composteur, les vers et autres organismes décomposeurs pourront donc passer de l’un à l’autre facilement, faisant le brassage à votre place!
Belle continuation à vous.
Bonjour, merci pour cet article très intéressant. je m’interroge quant au tassement du substrat. Si l’on procède comme une lasagne, où si l’on places du bois en décomposition au fond, le niveau va, au fil du temps, baisser et se retrouver en dessous du muret. Comment pallier à cela ?
Bonjour!
Pour la technique du récupérateur d’humidité, que j’ai pratiqué, j’ai remarque que c’était un point d’entrée pur les mulots et souris qui ensuite y nichent (il y a un microclimat propice et de la nourriture à profusion!)
J’ai résolut le problème en remplaçant ces récupérateurs par des olas! (jarres de terre poreuses) qui touchent le fond et font office d’humidificateur; avantage en zone très sèche on peut les remplir d’eau régulièrement et aussi y planter les bâtons récupérateurs d’humidité! (perso, j’ai fait des bouchons).
Je tiens à préciser que les olas ne sont en aucun cas des systèmes d’arrosages mai bien des systèmes de maintien de l’humidité des sols qui permettent aux plantes de continuer à aller chercher leur nourriture et de ce connecter aux champignons et bactéries de ce sol pour faire des échanges fructueux pour la santé de tous (sol, vie du sol, vie de la plante et par extension vie des humains!
merci encore pour toutes ces informations si précieuses qui permettent à de nombreuses personnes de faire leur mutation écologique!
Passionnant mais prioritairement, apaisant.
Merci pour votre message et vos suggestions.
Bon dimanche