Parmi les différentes façons de faire une butte en permaculture, certains exemples et certaines « recettes » retiennent tout particulièrement l’attention de par leurs résultats et productivité extraordinaires ! C’est typiquement le cas de la butte façon Philip Forrer qui fait un pied de nez à plusieurs principes agronomiques établis en intégrant dans la composition de ces buttes des éléments dont on dit généralement qu’ils sont mauvais pour le sol…
Philip Forrer : un jardinier aux pieds nus remarquable
Philip Forrer est un personnage hors norme dont l’expérience empirique en terme de jardinage force le respect. Il existe plusieurs vidéos et interviews de ce jardinier aux pieds nus, connecté à sa terre, qui montrent un homme simple, plein de bon sens, qui a su observer la nature, son sol, la vie qu’il héberge, comprenant très tôt qu’il était totalement contre-productif et même destructeur d’utiliser des produits chimiques, des engrais et de travailler le sol de son jardin.
L’excentricité du personnage qu’on peut souvent voir en vidéo se balader en slip dans son jardin tel un Adam moderne dans son Eden, tranche avec l’image habituelle du jardinier et marque les esprits au point que Philip Forrer est devenu, avec l’engouement grandissant autour de la permaculture, un modèle à suivre, prônant entre autres le non-agir et la confiance en l’abondance naturelle !
Une corne d’abondance : le jardin du Graal
La renommée de Philip Forrer vient notamment des récoltes extraordinaires issues de son jardin avec des légumes aux proportions incroyables, presque surréalistes : des radis et des betteraves de 5kg, des choux-fleurs de 40cm de diamètre, des pommes de terre de plus de 500g…en plus d’une abondance naturelle et une biodiversité étonnante !
Son jardin, appelé le jardin du Graal, se situe dans l’Aude à 620m d’altitude, exposé plein sud et s’étend sur seulement 600m2 d’une abondance végétale époustouflante.
Si vous souhaitez découvrir ce jardin extraordinaire plus en détail, un film de 58 min, réalisé en 2011 par Franck Nathié, est disponible à la vente sur le site de l’association La Forêt Nourricière.
Le jardin de Philip Forrer : un joyeux mélange de permaculture, éléctroculture et agroforesterie !
Philip Forrer est un permaculteur qui s’ignore, tout simplement car par ses observations, son amour de la terre qu’il foule de ses pieds nus et son bon sens, il applique des principes que l’on retrouve dans le concept de permaculture. Donc, même si lui-même ne se revendique pas permaculteur, il met bel et bien ce concept en pratique dans son jardin avec un naturel et une simplicité réjouissante.
C’est aussi un praticien convaincu de l’électro-culture qu’il pratique dans certaines de ces buttes de culture en les entourant de grillage en fil de fer galvanisé (enterré dans le sol à au moins 30cm de profondeur) et en plantant au milieu de ces buttes de long tubes de cuivre d’environ 2,5m (tuyau pour canalisation) terminé, en haut, par des fils de zinc ou de fer galvanisés pour former une antenne. Il crée ainsi un petit courant électrique entre le haut du piquet qui capte l’énergie électropositive de l’air et le sol. Philip Forrer affirme que ce courant, pouvant atteindre les 1,5V profite aux plantes. Il semblerait en effet, qu’une augmentation de la tension dans le sol augmente l’activité biologique de certaines bactéries et micro-organismes du sol.
Philip a, pour sa part, constaté des développements de légumes deux fois supérieurs aux autres dans ces buttes en électro-culture ! Chez PermacultureDesign, nous avons fait, par le passé, des essais de buttes en électro-cultures qui n’ont pas été concluants pour diverses raisons. On ne pratique plus aujourd’hui ce type d’installation en électro-culture mais cela reste un domaine intéressant à explorer ! Si cela vous tente et que vous le faites, n’hésitez pas à nous partager vos observations et avis sur la question en commentaire !!
Les arbres, enfin, sont très présents dans le jardin du Graal et contribuent notamment à la fertilité de l’ensemble, sans être, à proprement parlé, un jardin en agroforesterie classique !
Des buttes de cultures luxuriantes avec aiguilles de pins, laurier cerise et bois pourri !
Comme l’explique Philip Forrer dans une vidéo qu’il a réalisée avec un de ses amis Chris Lunch (à retrouver en fin d’article), tous les bois sont bons pour nourrir la terre et ses habitants et créer l’environnement idéal pour un « jardinage d’abondance » comme il se plait à le dire: naturel, sans traitement chimique, sans engrais, sans travail du sol et même sans arrosage (hormis sur les semis et repiquage de plants) !
Un peu comme pour la culture en lasagne, la butte Philip Forrer va être constituée de différentes couches de matériaux dont certains sont étonnants et très inhabituels. La confection d’une butte façon Philip Forrer va, en effet, à l’encontre de plusieurs principes agronomiques établis !
Une butte de culture à la Philip Forrer inclut du bois pourri enfoui !
Comme matière de base, à l’intérieur de ses buttes, Philip Forrer utilise des troncs d’arbres pourris qu’il récupère en forêt en se moquant bien de savoir s’il s’agit de troncs de résineux ou pas…pour lui, ce sont « des trésors » qu’il sélectionne plutôt à l’odeur et au touché : il choisit ainsi des troncs déjà en cours de décomposition, humides, spongieux qui « sentent bon » la forêt !
Ces troncs spongieux sont déposés en fond de butte, légèrement en dessous de la surface du sol; puis tassés à la masse afin de minimiser les espaces vides entres les troncs qui seraient néfastes pour les racines des végétaux.
Les « vides » restants sont aussi compensés par des ajouts de matières organiques diverses mélangeant des tontes à des branchage ou du broyat de bois divers, le tout tassé en marchant bien dessus, toujours pieds nus évidemment ;).
Le simple fait d’enfouir des matières organiques sous de la terre est très controversé en agronomie et même très mauvais selon certains spécialistes des sols à commencer par les éminents spécialistes que sont Lydia et Claude Bourguignon dont un des principaux conseils pour favoriser la vie du sol est de ne pas enfouir de matières organiques !!
Mais alors, nous direz-vous, à quel saint se vouer ?? Au saint Contexte bien sûr ! 😉 En permaculture, chacun doit faire ses choix selon son contexte et dans ce cas là, notamment son contexte de sol et son climat (pluviométrie). En cas de sol lourd, très argileux, subissant régulièrement des hydromorphismes par des saturations en eau, il est fort probable qu’appliquer la méthode Philip Forrer avec le bois enfouis, même s’il est en cours de décomposition, ne soit pas pertinente si on n’a pas pratiqué en amont sur la zone voulue, pendant plusieurs mois, une couverture épaisse du sol pour ramener de la vie ! Cette méthode risque en effet d’accentuer les problèmes d’hydromorphismes néfastes aux plantes entrainant des asphyxies et pourrissements de racines !
N’importe quel bois est bon selon Philip Forrer !
Selon Philip Forrer, il n’y a pas lieu de faire une sélection particulière sur le bois qu’on peut utiliser en broyat dans ces buttes. Ainsi, il n’hésite pas à y inclure des résineux (pins, sapin…) ou des plantes réputées toxiques comme le laurier cerise par exemple dont on déconseille habituellement l’utilisation en paillage potager car il contient du cyanure. Pour Philip, n’importe quel bois peut être utilisé en broyat pour combler les vides entre les troncs spongieux formant la base de sa butte ou pour couvrir sa butte. Cela constituera pour certains une hérésie scientifique !
Pourtant, l’expérience empirique de Philip Forrer sur des décennies de pratiques, montre bien que, dans son contexte, avec une très grande diversité de végétaux et de vie du sol, il n’y a aucun impact négatif sur ces cultures à utiliser ce type de bois broyé…bien au contraire vu la luxuriance de son jardin !
Un mulch à base d’aiguille de pins, tonte et bois broyés divers !!
En permaculture, on essaye de minimiser les intrants et d’utiliser les ressources biologiques locales. C’est ce que fait Philip Forrer instinctivement en choisissant d’utiliser comme matériaux pour son mulch les ressources présentes sur son site parmi lesquelles on trouve notamment les aiguilles de pins qu’il intègre généreusement à de l’herbe tondue et du bois broyé pour former un épais mulch protecteur sur le dessus de ses buttes de culture.
En jardinage classique, il est assez répandu de dire que les aiguilles de pins acidifient trop fortement les sols pour être utilisées en paillage. On les déconseille donc le plus souvent. Cependant Philip, lui, ne s’en prive pas et pour lui, ça fonctionne vraiment très bien !
Une recette de butte de culture applicable partout ??
La réponse est « non ». La réussite remarquable de Philip Forrer ne signifie pas qu’en appliquant aveuglement sa recette telle quelle, cela fonctionnera immédiatement chez vous !! Cela demandera quand même de réunir les conditions adéquates comme une terre fertile et grumeleuse (résultat d’années de jardinage sans travail du sol, sans engrais, sans pesticides…) riche en microfaune, et micro-organismes, une bonne humidité dans la butte (sans excès), de la variété dans les apports de matières organiques (aiguilles de pin, bois de résineux et autre laurier cerise certes mais aussi tonte diverses, déchets de cuisine en surface, autres types de bois, plantes sauvages coupées et déposées…) !
Comme toute culture sur butte, elle possède ses avantages et ses inconvénients mais il n’empêche que l’exemple est très inspirant et donnera envie aux plus intrépides de tester la recette et c’est tant mieux car, après tout, rien ne remplace l’expérimentation dans son contexte.
Attention, quand même, à y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans ce type de réalisation assez énergivore à mettre en place, notamment, comme nous le disions un peu plus haut, pour les contextes avec forte pluviométrie et sols lourds, engorgés en eau ou pour les sols hébergeant peu de vie suite par exemple à de mauvaises pratiques culturales anciennes (labours, pesticides, engrais…) !!
Pour finir, cela sera pertinent si vous avez ce type de ressources en local, sur votre site ou à proximité immédiate car faire venir de plus loin des aiguilles de pins ou du laurier cerise pour tester la butte façon Philip Forrer serait vraiment un non-sens !!
On attend vos éventuels retours d’expériences sur les buttes façon Philip Forrer en commentaires 😉
Vidéo sur la méthode de Philip Forrer pour créer une butte de culture :
Pour voir ou revoir la vidéo sur la réalisation d’une butte de culture par Philip Forrer lui-même plus d’autres conseils éclairés du jardinier aux pieds nus, c’est ici :
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Les formations complémentaires en permaculture
Permaculture Design
Cet article a été rédigé par l’équipe de notre Bureau d’étude Permaculture Design.
Bonjour,
Je connais bien Philippe Forrer et souhaite appliquer sa technique dans un lieu en Dordogne que nous venons d’acheter. Je sais qu’il a déménagé en août, qu’il a quitté l’Aude et est parti en Ardèche. Auriez vous par hasard ses nouvelles coordonnées. Merci de votre réponse. Sylvie Chagnon
J enterre toujours mes débris végétaux après avoir initié leur fermentation avec du kombutcha. Y compris bois sans s occuper de l espece. Et electroculture aussi. Pas de production mirobolante mais un jardin foisonnant de vie végétale et animale avec une énergie minimaliste
Bonjour !
J’ai appliqué ce système à Saint-Bonnet-le-Château (779 m d’altitude ) dans un jardin dit de « curé » ou la terre semble assez riche (terre noire et fine), l’objectif était que le propriétaire puisse s’absenter souvent.
Le « croissant fertile » a été préparé en mai 2016, l’été 2016 a été très très chaud même en montagne. Le propriétaire a arrosé une fois et il y a eu un orage uniquement.
Malgré cela il a fait une très belle récolte de potimarrons, courges butternut et autres courges ! Impressionnant.
Ce système en l’adaptant au contexte bien sûr me semble bénéfique.
Et comme Marion , nous avons utilisé ce qu’il y avait dans la région : thuya, fougères, tonte de gazon, bois pourri, bois jeune (petites et moyennes sections trempés douze heures dans l’eau – bidon d’eau de pluie) et matières organiques du propriétaire en surface sous la dernière couche de tonte. Voilà !
Bien « permacolement » !
Bonjour,
Je tiens à apporter mon témoignage car je ne savais pas que ça s’appelait ainsi, mais c’est exactement ce que j’ai réalisé chez moi, et je n’aurais jamais pensé obtenir de tels résultats.
Je suis dans un contexte pourtant assez « compliqué », car la terre est TRES argileuse. J’ai dû réalisé ces « buttes » assez vite (sur 48h par journées très chaudes), car qq’un devait m’apporter plein de plants et je n’avais pas préparé la zone pour planter… J’ai donc légèrement décaissé le sol, puis j’ai utilisé les restes d’un arbre mort sur place (un noyer je crois), et ensuite j’ai mis tout ce que je trouvais sur place, feuilles, tontes, broyat, terre. La couche était mince sur l’arbre en décomposition, mais les végétaux ont tt de mm pu être plantés, et pour la plupart vivaces, ils sont toujours là, plusieurs années après, sans que je m’en sois occupée le moins du monde durant tout ce temps.
Cela me semble important d’en témoigner car je trouve cela très encourageant à reproduire cette technique, mm dans mon contexte.
Bonjour
je connais Philip Forrer depuis longtemps, mais bien qu’il habite dans l’Aude, il est en altitude et non dans les terres arides du Minervois par exemple : ici nous avons beau appliquer ses conseils, notre potager est loin de produire autant et si facilement !