Les actualités de ces derniers mois auront fait prendre conscience à beaucoup de la fragilité de notre système alimentaire mondialisé.
Dès lors, nombreux sont les jardiniers que je croise qui souhaitent réapprendre à faire de leurs mains, augmenter la part de l’autoproduction dans leur assiette, et d’une manière générale, tendre vers une plus grande autonomie.
Mais parfois la place manque dans nos jardins urbains, sur nos terrasses ou dans nos bacs potagers.
Dans ce contexte, les techniques potagères visant l’optimisation de l’espace représentent une piste pour envisager de maximiser les rendements sur de petites surfaces.
👉 La contre-plantation est l’une d’entre-elles.
Mais qu’appelle-t-on réellement « contre-plantation » ? Et comment la mettre en œuvre ?
Quelle productivité au potager ?
Avant d’introduire la notion même de « contre-plantation » et de ses avantages en termes de productivité, interrogeons le rendement de nos potagers.
D’ailleurs, connaissez-vous le rendement du vôtre ?
À cette question que je pose régulièrement lors de mes formations, fusent des réponses aussi variées que « 200 g au m2 » comme « 30 kg au m2 »…
Pour clarifier les choses, commençons par évoquer le potentiel productif d’un potager familial, même s’il est fort compliqué d’avancer des données précises sur le sujet tant les contextes individuels sont différents.
Je citerais pour commencer une étude menée par l’université de Caen et visant à estimer le potentiel productif des potagers domestiques.
Menée simultanément dans trois villes du nord de la France (Rennes, Caen et Alençon), celle-ci annonce des productions variables suivant les jardiniers, allant de 0,5 kg à 3,9 kg de légumes par m2 et par an, avec une moyenne qui s’établit à 1,8 kg/m2/an.
Ce chiffre traduit donc la production du « jardinier moyen », cultivant l’assortiment « classique » des légumes et ne cherchant pas à optimiser l’espace de son potager.
À l’inverse, la production qu’il est possible d’atteindre dans des projets de micro-agriculture bio intensive est 5 à 7 fois supérieure.
Il s’agit d’un système agricole durable visant à produire une alimentation sur de petites parcelles tout en augmentant simultanément la biodiversité et en soutenant la fertilité du sol.
Dans mon petit jardin urbain en permaculture dans lequel je développe des techniques d’optimisation de l’espace, j’obtiens par exemple, une productivité de l’ordre de 12 kg de légumes par m2 et par an.
Ce chiffre, comme ceux de l’étude menée à Rennes, Caen et Alençon, ne prend en compte que les légumes rentrants en cuisine, non épluchés et sans les fanes.
Bien entendu, atteindre des productions de l’ordre d’une dizaine de kilogrammes par m2 et par an requiert des savoir-faire qui dépassent l’optimisation de l’espace.
En plus de maîtriser la densification, les chevauchements et les contre-plantations (techniques décrites dans mon deuxième ouvrage), il faut maîtriser les itinéraires techniques de chaque culture, les aspects liés à la fertilisation et à l’arrosage, mais aussi la régulation des maladies et des ravageurs et la planification précise de l’année jardinière.
Il me semble toutefois raisonnable, pour un jardinier moyen mettant en œuvre des techniques d’optimisation de l’espace, d’atteindre une productivité de l’ordre de 5 kg de légumes par m2 et par an.
Qu’est-ce que la contre-plantation ?
Déjà à la fin du 18e siècle, les maraîchers parisiens mentionnaient la contre-plantation dans leurs écrits.
Ils la définissaient alors ainsi : « On appelle contre-plantation l’art de faire pousser des plantes sur un terrain déjà occupé par des légumes dont la croissance est beaucoup plus rapide.
Cette pratique est fréquente chez les jardiniers-maraîchers, qui veulent tirer de leur terrain tout le parti possible […].
Ainsi, dans un carré d’œilletons d’artichauts plantés en automne, on sème des fèves ou l’on plante des choux entre les rangs.
Si on plante les artichauts au printemps, on met entre les rangs des pommes de terre ou des laitues romaines d’été, etc.
Mise en pratique dans un jardin bien cultivé, cette opération double les produits ; mais elle devient nuisible dans un jardin dont la culture n’est pas soignée. »
Pour ma part, j’utiliserai le terme de contre-plantation pour toutes les alliances entre végétaux différents dont l’objectif recherché est, à minima, l’optimisation de l’espace.
La contre-plantation ne revêt donc pas de but allélopathique (en tout cas pas prioritairement), mais vise, par des cultures qui se « superposent » ou se « juxtaposent » à accroître les rendements sur une surface donnée.
La contre-plantation est donc bien une forme « d’association de cultures », mais avec un but précis recherché (l’optimisation de l’espace) et une organisation spatiale particulière des cultures qui se doivent d’être placées sur un même rang.
Au-delà de l’objectif d’optimisation de l’espace (et donc des rendements), les contre-plantations peuvent naturellement offrir d’autres bénéfices, en particulier :
- Un brouillage olfactif et visuel pour les ravageurs
- Une réduction de l’enherbement grâce à la densité de légumes au m2
- Une meilleure utilisation des éléments nutritifs grâce à des profondeurs d’enracinement variables entre les légumes constituant la contre-plantation
- Une meilleure fertilité si l’on intègre des légumineuses dans la contre-plantation.
Mise en œuvre d’une contre-plantation dans son potager en permaculture
La principale difficulté dans la mise en œuvre des contre-plantations réside dans la recherche de la date optimale de semis / repiquage de chaque légume mais aussi de la densité idéale qui permette à chacun de se développer correctement sans être notablement gêné par le légume voisin.
Naturellement, un légume planté seul aura très certainement une meilleure productivité que s’il est contre-planté à un autre.
Tout l’enjeu de la contre-plantation sera de faire en sorte que l’alliance des deux légumes (sur une surface généralement divisée par deux !) offre une meilleure production globale que celle obtenue avec l’un ou l’autre de ces légumes planté séparément.
Pour commencer, je vous invite à définir quelle sera la « culture principale » de votre contre-plantation.
C’est en fonction de celle-ci que vous gérerez la fertilisation et l’arrosage de votre planche, sachant qu’individualiser ces paramètres pour chaque légume de l’association est impossible.
Le plus souvent, ce sera celle dont le cycle semis-récolte est le plus long. Cette culture principale sera généralement repiquée aux distances habituelles de plantation, la (ou les) culture(s) « secondaire(s) » venant combler les espaces restés libres.
Par exemple, dans une contre-plantation « tomates-laitues », la tomate représente la culture principale. Les plants de tomates sont alors repiqués aux distances habituelles (souvent 50 cm sur le rang).
Les laitues, en tant que culture secondaire, prennent place entre les tomates.
Vous pourriez également tester l’association de choux (culture principale) avec des carottes, des pommes de terre ou des navets !
Et comme souvent au jardin en permaculture, la meilleure chose que vous puissiez faire est d’expérimenter !
Pour vous familiariser avec la contre-plantation, commencez par celles qui ne font intervenir que deux légumes, si possible repiqués en même temps.
Par la suite, vous pourrez augmenter le nombre de légumes, ce qui vous imposera parfois d’échelonner les dates de semis-repiquage de chacun d’eux.
Naturellement, je ne peux que vous encourager à noter les résultats de vos essais dans votre cahier du jardinier.
Cela vous permettra, année après année, d’affiner vos données et de gagner en productivité !
Quand il est difficile d’obtenir plus de 5 kg de rendement au m2 avec une culture unique, la contre-plantation permet parfois de dépasser les 8 kg de légumes au m2.
Une contre-plantation de choux de Bruxelles, fenouils et céleris-raves m’aura par exemple offert 10,6 kg de légumes pour une période d’occupation du terrain d’environ 6 mois.
Alors à vous de jouer !
Joseph Chauffrey
Pour aller plus loin sur l’optimisation de l’espace au potager
Le deuxième livre de Joseph Chauffrey, (voir références ci-dessous) est consacré en grande partie à cette technique de contre-plantation.
Vous pouvez également lire notre revue sur son livre J’optimise l’espace de mon potager ici.
J’optimise l’espace au potager
Vers une meilleure productivité et plus de diversité
Joseph Chauffrey
Éditions Terre Vivante – 2020.
14 €
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Joseph Chauffrey
Joseph Chauffrey est un jardinier expérimentateur urbain qui a à cœur de partager ses observations et expérimentations avec le plus grand nombre. Formateur en permaculture et jardinage durable, auteur de différents livres et chroniqueur, il consacre son quotidien à la transmission de valeurs, techniques et outils qui nous permettront collectivement de construire une société plus résiliente. Pour en savoir plus, retrouvez-le sur son site.
Tout m’intéresse dans c aue vous proposez.
Mais je dois bientôt partir vivre pour des périodes longues au Sénégal.
Savez-vous s’il existe des expériences de peermaculture là-bas (hors Casamance) ?
Je serais très intéressée pour faire des essais (région Dakar, en zone urbaine) ou le long du fleuve Sénégal, (mais entre Matam et Bakel = région Sahelique).
Merci de me répondre.
Cordialement
MFF