Réussir son installation de maraîchage en permaculture : l’importance d’un bon design

Réussir son installation de maraîchage en permaculture : l’importance d’un bon design

Après avoir lu pendant plusieurs années des articles — très inspirants — sur ce blog, j’ai été invité à y écrire pour vous parler de moi (un peu), de ma microferme (un peu plus) et de son design (surtout) 🙂 et enfin, quelques conseils que j’aurais aimé connaître quand je me suis installé pour développer le maraîchage en permaculture.

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De l’industrie au maraîchage en permaculture

Il y a une quinzaine d’années, je travaillais comme ingénieur dans l’industrie du meuble. Et même si j’y trouvais du plaisir au début, ça n’a pas duré longtemps. Alors entre lassitude d’un côté, et envie d’autonomie, de bien-être et d’adéquation entre mes idées et mes actes de l’autre, j’ai bien vite entamé une reconversion professionnelle pour devenir maraîcher.

Tandis que j’avais déjà découvert la permaculture quelques années auparavant, et que je m’y étais formé, j’ai choisi de compléter mes connaissances par un BPREA (Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole). Ce brevet permet, en France, de justifier de votre Capacité Professionnelle Agricole et d’obtenir ainsi des aides à l’installation, aspect très important pour quiconque veut s’installer professionnellement en agriculture (se rapprocher des Chambres d’Agriculture pour plus d’informations sur le BPREA). En plus, cela a donné une certaine légitimité à mon projet et a certainement facilité pas mal d’étapes.

Évidemment, en tant que néo-rural, je n’avais pas de terre. Et à chaque fois que je visitais un lieu, j’y créais très sommairement, dans ma tête, un design. Quand j’ai trouvé LE lieu, et qu’on a entamé les démarches d’achat, j’ai juste mis sur papier le design que j’avais en tête. Ça a été ma première grosse erreur : croire que grâce à ma « maîtrise du sujet » (ça faisait 5 ans que je me formais à la permaculture et lisais tout ce qui existait — en français — sur le sujet), je pouvais me passer de toute la démarche de création d’un design !

Mon premier design en permaculture, mes premières erreurs

Pour vous expliquer mes erreurs, voici un plan de mon terrain avec 4 grandes parcelles A, B, C et D. Sur l’image ci-dessous, vous pouvez voir le design tel qu’il est actuellement après corrections, et évolutions.

Réussir son installation de maraîchage en permaculture est avant tout une affaire de design pour éviter les erreurs.
Vue complète du design de la microferme de Jérôme en 2016 (après évolution) © Jérôme BOISNEAU, Le Permaraicher

Mais il n’en a pas toujours été ainsi et mes débuts ont été l’occasion de faire mes premières erreurs…

Pour vous décrire rapidement les parcelles :

  • Les champs A et B, proches de la rivière, sont plats, en bas-fond, argilo-limoneux, profonds, froids et humides l’hiver et frais en été.
  • Les champs C et D sont en coteaux avec des pentes de 5 à 10 %, argilo-calcaires, peu profonds, et très secs l’été (et dans le Gers, l’été peut être très long).

Lors de mon installation, n’ayant pas suffisamment pris le temps d’observer l’ensemble de mes parcelles (on veut toujours se lancer trop vite !!!), il m’a semblé inévitable de placer les cultures maraîchères sur la parcelle B où la terre était plus riche et profonde. De plus, j’y bénéficiais de 2 sources d’eau pour arroser facilement.

La parcelle C, centrale et proche de B accueillerait les bâtiments ; et le verger serait en D. C’est ainsi que j’ai commencé à m’installer.

Mais si j’étais allé au-delà de ces évidences, et si j’avais pris le temps de l’observation, étudié les circulations d’énergies, accès, etc., j’aurais sans doute anticipé ce que mes 3-4 premières années d’installation m’ont appris :

  • La parcelle B, en bas-fond, est une poche de froid. Les gels y sont plus fréquents et plus forts qu’ailleurs. Les solanacées (tomate aubergine poivron) y poussaient donc vraiment mal.
  • Je savais que ce champ était inondable, mais je n’avais pas anticipé que, lors d’inondation, l’eau mettrait plusieurs jours à retourner dans le lit de la rivière à cause des digues…
  • Depuis les bâtiments, je descendais les mains vides (ou avec quelques plants ou graines) et je remontais chargé de récoltes. Heureux, mais fatigué de pousser plusieurs fois par jour une brouette chargée de courgettes, tomates et autres légumes.
Réussir son installation de maraîchage en permaculture est avant tout une affaire de design pour éviter les erreurs.
Récolte de courges à remonter à la brouette avant la modification du design de la microferme © Jérôme BOISNEAU, Le Permaraicher

Il m’a fallu plusieurs années pour m’apercevoir de tout ça, mais surtout pour accepter de faire évoluer mon design. J’avais tellement investi d’énergie dans cette zone B que je n’avais pas envie d’en bouger, malgré ses défauts. Heureusement, 2 inondations successives m’ont aidé à accepter mes erreurs et à me lancer dans l’amélioration de mon design.

L’évolution de mon design en permaculture

4 ans après mes débuts donc, je bénéficiais de plus d’expérience et de connaissances du lieu. Mais en revanche, je devais désormais composer avec certains éléments inamovibles comme les arbres fruitiers… et les bâtiments.

J’ai donc décidé de concentrer toutes les activités agricoles dans la même zone (maraîchage, ruches, poulailler et verger) comme on le voit sur le dessin ci-dessous. Cette évolution m’a permis, en plus de résoudre les problèmes de départ (légumes en zone froide et inondable, problème de circulation…), de :

  • diminuer mon nombre de km parcourus chaque jour (grosse économie d’énergie pour moi ;)),
  • faciliter la surveillance du verger — où je n’allais que très rarement auparavant — et en conséquence augmenter les soins et la production de fruits,
  • diminuer le temps passé à l’entretien des zones « non-productives » car, grâce à la densification, ces zones avaient diminué.
Réussir son installation de maraîchage en permaculture est avant tout une affaire de design pour éviter les erreurs.
Design détaillé de la microferme de Jérôme en 2016 © Jérôme BOISNEAU, Le Permaraicher

C’est juste après ces changements que j’ai vraiment pu libérer du temps pour commencer à diversifier mes activités et par conséquent mes revenus, pour plus de résilience économique. D’abord en intégrant quelques ruches, puis en augmentant le verger, en créant un blog et enfin en installant un poulailler. Les bâtiments étaient (presque) finis et j’avais donc plus de temps à consacrer à cette phase importante qu’est la diversification.

Conseils de base pour réussir l’installation de sa microferme

Vous envisagez de créer un jour votre microferme ? Pour vous donner toutes les chances de réussir votre installation, voici quelques clés qui, à mon avis, sont vraiment très utiles :

  • Bien définir vos objectifs dans ce futur lieu de vie et d’activité. Les mettre par écrit pour pouvoir les relire. Car même si vos objectifs peuvent évoluer (tout comme le design), c’est toujours bon de pouvoir revenir à vos fondamentaux. Pour vous aider dans cette étape primordiale, vous pouvez utiliser la méthode SMART.
  • Prendre le temps de bien observer votre terrain, d’étudier vos circulations/accès et la gestion de l’eau
  • Pour la partie administrative, définition des objectifs et des moyens, se faire accompagner par des acteurs locaux. Les chambres d’agriculture ont souvent (mais pas toujours) du mal avec les projets atypiques, mais les ADEAR sont souvent plus ouvertes à ce genre d’installation.
  • Profiter de votre période d’installation, où vous aurez parfois beaucoup de temps libre entre 2 démarches administratives, pour vous former. En design, évidemment, mais aussi dans les domaines que vous souhaitez pratiquer (maraîchage, arboriculture, élevage, boulangerie, apiculture, etc.). Les formations VIVEA sont gratuites pour les agriculteurs, mais aussi pour les porteurs de projets même s’il est de plus en plus difficile de voir son dossier de financement accepté tant les demandes sont nombreuses pour des formations en permaculture.
  • Savoir vous concentrer sur l’essentiel, surtout au début, quand on déborde d’idées et d’énergie.
  • Et tous les jours, méditer les différents principes de conception en permaculture et notamment : « Privilégier les petits systèmes intensifs et les solutions lentes. »
  • Lire et relire les meilleurs livres de permaculture et microfermes.

Conseils de lecture pour aller plus loin…

Dans la continuité du dernier conseil de Jérôme sur les lectures, vous trouverez ci-dessus quelques livres intéressants notamment pour celles et ceux qui veulent se lancer dans une activité professionnelle permacole pour laquelle la réalisation d’un design sera indispensable à leur réussite :

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Méthodologie et outils clefs du design en permaculture

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Qu’est-ce que la permaculture ? Comment la pratiquer ? Des outils clairs et concis pour bien débuter.

Christophe Curci et Benjamin Broustey

Éditions Imagine un colibri – 2017.
23 €

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Agriculture de régénération

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Une ferme résiliente et productive pour vivre à la campagne :

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Pour ne manquer aucune étape clé de votre design…

Comme a pu le constater Jérôme à ses dépens, la précipitation est rarement bonne conseillère. Pour vous lancer sereinement dans la conception en permaculture de votre projet, qu’il soit personnel ou professionnel, laissez-vous guider étape par étape par notre formation vidéo en ligne « Invitez la permaculture dans votre jardin », vous serez ainsi certain(e) de ne rien oublier. Pour en savoir plus sur cette formation, cliquez sur le bouton ci-dessous.

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7 Commentaires

  1. ALEXANDRE

    Bonjour Jérôme,

    Juste 2 questions :

    1) sais-tu approximativement combien de kilos de fruits et légumes tu produis sur une année ?

    2) du coup, puisque tu as dû modifier ton design en cours de route, à quoi te servent actuellement les zones A, B et D ?

    Merci beaucoup pour ton retour d’expérience.

    Alex

    Répondre
    • Jérôme Boisneau

      Bonjour Alex,
      Je ne pèse pas systématiquement toute ma production. Car tout peser est assez fastidieux d’une part, et peu représentatif pour pas mal de cultures (laitues, roquettes, blettes, persil etc). Mais comme on me le demandait souvent, j’ai peser les tomates, aubergines, courgettes, concombres et poivrons pour toute l’année 2016. Je suis en train d’écrire un article sur ces productions et leur rendement. A paraitre « bientôt » sur mon blog 🙂
      Quant aux zones A, B et D, voici leur état/projet :
      Zone A : rien de prévue, elle reste en prairie
      Zone B : projet de verger en tenant compte de toutes les caractéristiques de ce lieu (froid, humides, inondable…)
      Zone D : il y a déjà dans cette parcelle le jardin et le verger. Une partie du verger a été transformé en « poulailler-verger ». Et tous les ans, le verger s’agrandit en suivant les courbes de niveaux
      Jérôme BOISNEAU / Permaraicher

      Répondre
  2. Denel fREDERIC

    Super intéressant mais frustré par le manque d’informations économiques.
    – combien de temps entre le lancement du projet et les premiers revenus ?
    – combien d’investissement ? (terrain, matériel, bâtiment)
    – quelle structure juridique ?
    – combien de CA par an et quelle rentabilité ?
    – quelle part de MO représente les woofers stagiaires ?
    – as tu eu besoin d’un revenu complémentaire et pendant combien de temps ?
    – aujourd’hui les formations représente combien de ton CA ?
    – quelle est la répartition de ton revenu entre maraichage/formation/miel/fruits ?

    ce type d’information permettrait de mieux appréhender la réalité économique de ce type de projet et réduire les risques d’échecs

    Répondre
    • Jérôme Boisneau

      Bonjour Frédéric, et merci pour toutes ces questions 🙂
      Cet article n’aborde que le coté « design ». Et comme vous le demandez, il y a bien d’autres sujets à aborder (techniques, juridique, humains, économiques…) que j’évoque sur mon blog, dès que je peux.
      Pour le volet économique, il y a plein de manières de l’appréhender, et j’explique ici (http://permaraicher.com/pourquoi-etre-seulement-maraicher/) ma vision des choses. Vous y trouverez déjà quelques réponses.
      Pour le reste, je suis en train de préparer un autre article qui devrait répondre à d’autres de vos questions. Mais ça prend du temps (beaucoup de temps) pour écrire des articles complets et bien informés. Et je suis avant tout paysan. Et je veux que ça reste mon activité principale.
      Mais pour vous donner une idée, mes revenus (hors formation) sont actuellement d’environ 900€ par mois et ça m’occupe environ à mi-temps. Et les formations ne devraient pas représenter plus de 15% de mon CA 2017.
      Quant aux stagiaires et wwoofeurs, bien qu’ils participent aux activités de la ferme, je ne les considèrent pas comme de la MO. J’en reçois peu, volontairement, et j’attache beaucoup d’importance à ce qu’il y ai un réel équilibre entre ce qu’ils m’apportent et ce que je peux leur transmettre. Ça donne (presque) à chaque fois des expériences très enrichissantes pour tout le monde : ma famille et moi (humainement), eux (connaissances, idées, pratiques diverses) et ma ferme 🙂
      Jérôme BOISNEAU / Permaraicher

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  3. GOULVEN

    Magnifique retour d’expérience de qualité avec une belle synthèse des étapes par lequel Jérôme Boisneau est passé. Merci beaucoup, cela m’invite à ajouter dans mon design, l’effort humain, l’huile de coude ou en Québécois, c’est une job de bras 😉
    J’ai hâte de découvrir plus d’article dans ce genre.

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    • Esther

      Bonjour, merci beaucoup pour le partage de votre expérience. Quelle formation de base conseillez vous (avant une spécialisation en permaculture) pour une reconversion professionnelle (ingénieure également)? Tout cela m’intéresse mais j’avoue que je ne sais pas bien par quoi commencer. Merci par avance, bien cordialement, Esther

      Répondre
      • Jérôme Boisneau

        Pour ma part, j’ai fait un BPREA, qui m’a surtout servi pour mieux comprendre le monde agricole et ses instances et représentations (ce qui est tout de même important), et un peu pour la compta. Ca a aussi donné du crédit à mon projet peu académique, surtout en 2007. Je suppose que vous avez une bonne capacité à apprendre, alors pour la théorie quelques bonnes formations courtes et bons livres. Pour la pratique, des stages dans plusieurs lieux, et à différents moments de l’année. Et une fois installée, continuez à vous former et à rencontrer d’autres paysans.

        Répondre

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