De petite taille, globalement silencieux et nocturne, le hérisson est un animal discret, voire farouche.
Pourvu d’adaptations remarquables, qui lui ont permis de survivre durant les derniers 450 000 ans, il pourrait mener une petite vie tranquille d’animal débonnaire.
Mais il semble qu’il en soit tout autrement…
Avec le hérisson, mettons du piquant dans nos jardins
Le hérisson est un animal très largement connu des grands et des petits. Bien que ses piquants n’invitent guère à la caresse, il a bonne presse.
Il ne ravage pas les cultures, n’attaque pas les enfants la nuit, ne hurle pas au petit jour et, quand il furète au jardin, laisse moins de traces qu’un sanglier solitaire.
Bref, un mammifère sans histoire, une sorte de gendre idéal de la nature.
Pourtant le hérisson mérite mieux que cette sympathie diffuse.
C’est en effet un être d’exception, qui pourrait reléguer le lion au rang des parias de la création. Doté en série d’un panel d’innovations de pointe, il est parfaitement adapté à son environnement.
Un char à pattes
Un hérisson, c’est une sorte d’hybride entre un char d’assaut, la fusée Ariane et l’increvable Dedeuche. Côté blindage, rien à redire; près de 5-7000 piquants montés sur rotule évitent la plupart des problèmes lors de mauvaises rencontres.
Seul le blaireau est capable de se jouer de cette armure acérée.
En cas d’attaque,point de formation de tortue façon légions romaines, le hérisson adopte la posture de la châtaigne
Une musculature toute particulière lui permet de se tenir en boule pendant plusieurs heures, mufle, pattes et queue en sécurité dans la bogue.
Une technologie de pointe
Notre héros est, par ailleurs, un concentré d’innovations.
Sensibilité olfactive ciblée sur la détection des proies, détection ultrasonore branchée sur les fréquences préférentielles des insectes, piquants à structure alvéolée garantissant robustesse, légèreté et flexibilité..
Tout est fournis par Mère nature dans l’équipement de série.
Mais le plus grand atout du hérisson demeure sans aucun doute sa capacité à entrer en léthargie et à survivre, des mois durant, à la frontière ténue entre la vie et la mort: l’hibernation.
Une fiabilité à toute épreuve
Côté robustesse, le hérisson bénéficie d’une ossature solide. Il a la pudeur de cacher ses tablettes de chocolat sous une avenante couche de graisse, mais sa musculature est impressionnante.
La mâchoire est toute aussi puissante et les dents pointues permettent de croquer les coléoptères les plus caparaçonnés.
Les pattes courtes et trapues favorisent les déplacements en rase-motte, la truffe aux ras du sol pour détecter plus facilement les proies.
Le hérisson peut aussi se dresser sur la pointe des pieds et circuler dans les terrains les plus accidentés.
Dotés d’impressionnantes griffes, il peut creuser, tenir adroitement les baveuses limaces, mais aussi escalader des murets.
Il se fait volontiers amphibie et peut traverser des cours d’eau sans s’émouvoir.
L’estomac et le système digestif sont en béton et permettent d’adopter un régime alimentaire que peu d’autres animaux osent expérimenter.
Car le hérisson est doté d’une résistance sans pareille.
Si une dose de bactérie tétanique terrasserait un haltérophile en un clin d’œil, il en faudrait 7000 fois plus pour venir à bout de notre redoutable animal.
Mieux encore, pour indisposer un hérisson, il faudrait 100 mg de cantharidine, un poisson violent issu des coléoptères méloïdés, alors que notre musculeux sportif se retrouverait sur le flanc avec seulement 4 mg !
Cette résistance autorise un régime varié, incluant des espèces toxiques, non consommées par la concurrence.
Piqué au vif !
Avec de tels atouts, les hérissons ont pu conquérir l’Europe entière.
Ils s’observent des semi-déserts andalous aux fjords de Norvège, des landes écossaises aux pentes volcaniques de Sicile.
Dans tous ces endroits, depuis des millénaires, les hérissons cohabitent avec les humains.
Jusqu’à il y a peu, les choses se passaient bien et nulle part ailleurs que dans les campagnes les densités n’ont été aussi fortes.
La présence de prairies pâturées, de cultures diversifiées sur de petites parcelles, de nombreuses haies, de vergers, de fourrés épars ont constitué une sorte de jardin d’Éden.
Malheureusement, il en est autrement aujourd’hui et le hérisson est affecté par la quasi-totalité des coups que nous portons à la nature : disparition et fragmentation des habitats naturels, raréfaction et contamination des écosystèmes, destructions directes et massives des animaux, récurrence d’épisodes de sècheresse…
Hérisson, une espèce menacée, pas encore terrassée
Face à ces dangers majeurs et concomitants, les piquants n’ont guère de prise et les populations de hérisson semblent décliner de façon très sensible en de nombreuses régions.
La disparition des habitats du hérisson dans de nombreuses régions agricoles intensives n’offre aucune perspective de survie.
La monoculture productiviste est ce qu’on peut faire de pire.
L’animal a impérativement besoin de prairies pour chasser et de fourrés, de haies ou de bosquets pour s’abriter.
L’intensification agricole se traduit aussi par le retournement annuel des sols, une contamination massive et constante par les biocides épandus sur les trois quarts du territoire.
Ces molécules, qu’il s’agisse d’herbicides, de fongicides, de mollucides, d’insecticides (…) n’ont d’autre fonction que de tuer le vivant.
Et force est de constater qu’elles sont particulièrement efficaces puisqu’elles détruisent l’ensemble des proies des hérissons et affectent probablement directement une bonne partie de leurs populations.
Dans les milieux cultivés de façon industrielle, les espaces où les animaux peuvent encore subsister sont les bords de routes ou de voies ferrées.
Il y reste de l’herbe et parfois quelques buissons. Mais les hérissons sont alors soumis aux risques de collisions routières et aux broyages de la végétation, travaux mécaniques réalisés plusieurs fois par an, qui finissent d’exterminer les derniers individus ayant survécu aux tracteurs et aux épandeurs.
L’exode rural des hérissons
Dès lors, les hérissons se raréfient dans les espaces ruraux.
Hors des régions bocagères de polyculture élevage ou faiblement intensifiées, les densités les plus fortes s’observent désormais dans les milieux péri-urbains et les quartiers résidentiels.
Pelouses, jardinets, haies ornementales mais aussi abreuvoirs, tas de compost, répondent parfaitement aux exigences essentielles du hérisson.
Évidemment, la proximité des humains engendre de nouveaux périls.
Certains s’étouffent coincés dans les clôtures, se noient dans les piscines, tombent dans les bouches d’égout, subissent l’assaut des chiens, meurent sous les pneus, se font broyer lors de l’entretien des palissades…
Mais globalement, les proies sont présentes, les potentialités de gîtes nombreuses et les humains rares passé le journal de 20 heures.
Le problème, c’est que si les hérissons des villes se maintiennent, ceux des champs se raréfient, ce qui se traduit par un isolement des noyaux de peuplement. Et ça, c’est souvent le début de la fin pour une espèce.
À l’action pour les hérissons
Pour contrecarrer cela, on peut agir efficacement. Une multitude de petites actions individuelles peuvent favoriser des espèces aussi tolérantes que les hérissons et ses proies les plus fréquentes.
Que faire concrètement ?
Bannir immédiatement l’utilisation des intrants ou des biocides chimiques au jardin :
Ces substances empoissonnent tout.
Dans le meilleur des cas, elles font disparaître les proies du hérisson (vers de terre, escargots, insectes…), dans le pire, elles le contaminent directement.
Réserver un coin de nature au jardin :
Il s’agit de laisser quelques mètres carrés plus sauvages, où plantes et animaux mèneront leurs petites affaires.
On peut y entreposer un tas de bois avec un emplacement réservé pour que les hérissons s’installent; on peut aussi y stocker les feuilles mortes qui serviront de gîte.
Dans cet espace, aucun travaux d’entretien.
Adapter les dates de travaux au jardin :
Des milliers de hérissons se font tuer ou blesser par des tondeuses, des broyeurs et des débroussailleuses.
Certains meurent aussi carbonisés dans les tas de feuilles qu’on décide de brûler pour faire place nette.
Pour éviter la catastrophe, il faut s’abstenir d’entreprendre des travaux en période de reproduction et d’hibernation.
L’entretien de la végétation se fait donc préférentiellement en automne, en inspectant préalablement la végétation, de façon attentive, pour éviter de blesser les animaux dans leurs gîtes diurnes.
Faciliter les déplacements du hérisson :
En accord avec votre voisin, envisagez la création d’un passage à hérissons entre vos propriétés.
Il peut s’agit d’un trou au bas d’une clôture, d’un passage dans un mur, voire de l’implantation de plantes grimpantes sur un muret.
À l’inverse, il convient d’aménager tout ce qui peut nuire au hérisson : colmater les regards de gouttières, disposer une planche ou un bout de grillage sur le rebord d’un bassin ou d’une piscine par exemple.
Faire un tas de compost :
Le compost, c’est l’Eldorado des hérissons.
Nourriture à gogo garantie. Mais encore faut-il que cette manne soit accessible.
On réservera si possible un petit passage aux hérissons dans les composteurs clos en veillant à ne pas mettre de nourriture carnée susceptible d’attirer les rats.
Faute de composteur, on peut glisser les restes alimentaires végétaux au pied d’une haie, dans un recoin du jardin.
Mettre en place des abreuvoirs :
Les périodes de sècheresses estivales pénalisent beaucoup les hérissons qui, faute de trouver de l’eau ou des proies, sont parfois obligés d’entrer en léthargie pour survivre.
La mise à disposition d’une gamelle d’eau peut faire la différence entre la vie et la mort.
La création d’un petit bassin ou d’une mare est plus ambitieuse, mais tellement plus bénéfique.
Attention à éviter que les animaux ne s’y noient.
Mettre sa commune au vert :
Faire pression auprès des mairies pour qu’elles prennent en compte la biodiversité dans la gestion des espaces verts et des bords de voies communales est capital.
Chaque année, des milliers de nichées de hérissons et des centaines de milliers d’oiseaux sont détruites par les entretiens printaniers de haies.
La réduction de la fréquence de ces travaux, réputés faits pour satisfaire les administrés, se traduit en outre par de substantielles économies pour la collectivité.
Ressources qui peuvent être investies dans l’implantation, sur les terrains communaux, de mares, d’arbres isolés, de fourrés, voire de haies, si indispensables à la vie sauvage.
L’organisation de chantiers scolaires ou citoyens peut offrir de belles opportunités de sensibilisation.
Achetez bio et écolo :
Boire et manger des produits bio locaux et conditionner vos achats, autant que faire se peut, à des pratiques agricoles vertueuses, est indispensable pour faire régresser drastiquement l’usage des biocides agricoles et promouvoir une agriculture favorable à notre environnement.
Il est important, en tant que consommateur, de jouer sur ces deux aspects, car on peut produire bio dans une démarche productiviste, dans d’immenses parcelles, dénuées du moindre intérêt pour la biodiversité !
Parlez-en avec vos commerçants et pourquoi pas, allez visiter les exploitations de vos producteurs préférés pour faire un choix judicieux. Évidemment les produits issus de la permaculture sont à sélectionner en priorité !
Lever le pied :
Les collisions routières sont une des causes majeures de mortalité des hérissons.
Abaisser sa vitesse de circulation et surtout contourner les animaux rencontrés (quand cela est possible sans risque d’accident pour nous ou des tiers) permettraient de réduire de façon sensible le nombre de hérissons morts sur les routes.
Rouler au-dessus d’un hérisson est souvent tout aussi mortel que de l’écraser directement.
Sous l’effet du souffle, le petit mammifère est projeté en l’air et heurte le bas de caisse.
Ne pas prélever les jeunes hérissons :
Trop de jeunes hérissons découverts en automne sont capturés et confiés à des centres de soin, sous prétexte qu’ils ne passeront pas l’hiver ou parce qu’ils sont « abandonnés ».
C’est une pratique à proscrire absolument, sauf en cas de blessure ou de lourde charge parasitaire avérée.
Le hérisson est une espèce protégée. Capture, détention, manipulation et transport sont strictement interdits et clairement, les petits hérissons n’ont besoin que d’une chose, qu’on les laisse tranquilles.
Vous pouvez aussi contribuer à suivre les populations de hérisson en transmettant vos observations sur le portail associatif de science participative www.faune-france.org ou en contribuant à la Mission hérisson, lancée en juin 2020.
Pour en savoir plus sur les hérissons et les actions à mettre en œuvre pour leur protection : www.lpo.fr/missionherisson
Pour découvrir plus en profondeur la vie du hérisson, tout savoir des mythes et légendes qui le concernent, découvrir comment l’observer :
Installez une haie qui servira au hérisson mais aussi aux abeilles et autres pollinisateurs !!
Comme le préconise Philippe Jourde, il est primordial, pour aider les hérissons, de leur redonner des refuges, des habitats paisibles en replantant des haies !
Et si vous en profitiez pour faire d’une pierre deux coups (principe de permaculture : un élément remplit plusieurs fonctions 😉 !) en installant notre haie des abeilles qui pourra abriter des hérissons tout en attirant les pollinisateurs chez vous, intéressant, n’est-ce pas ?
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Philippe Jourde
Philippe Jourde travaille au service Connaissance de la LPO, où il administre le portail national de science participative www.faune-france.org, qui permet à chacun de partager ses observations d’animaux et de consulter des millions de données. Il est par ailleurs auteur et adaptateur de livres sur la nature et vient de signer une édition revue et augmentée de l’ouvrage « Le Hérisson d’Europe », aux éditions Delachaux et Niestlé.