Nous avons vu dans un premier article consacré au mode de vie extraordinaire des chauves-souris, qu’elles s’intéressent davantage aux insectes nocturnes qui se gobergent dans notre potager la nuit, qu’à notre système capillaire qu’elles jalouseraient les pauvres chauves… souris.
Dans un 2e article, de manière tout à fait désintéressée…ou pas, nous avons décidé de l’accueillir au jardin. Un peu d’eau pour étancher la soif, des fleurs pour attirer des insectes variés et compléter le garde-manger, un abri à chauve-souris pour se reposer la journée.
A cette occasion, nous avons appris à reconnaître les crottes de chauves-souris avec joie. D’une part parce qu’elles indiquent la présence des chiroptères mangeurs d’insectes, mais aussi parce que selon les quantités, ces crottes peuvent être très utiles au jardin : le deuxième effet Kiss cool en quelque sorte…
Cet article va être entièrement consacré aux crottes des chauves-souris, âmes sensibles, s’abstenir.
Identifier les crottes de chauves-souris
Rappelons d’abord comment identifier la chose : il s’agit grosso modo d’un grain de riz noir.
S’il ne se délite pas entre vos doigts gantés, vous avez à faire à un micromammifère : campagnols, mulots ou souris peut-être, chauves sans doute pas. Le régime alimentaire de ces sympathiques malfrats est équilibré en fibres, permettant à leurs crottes de « se tenir ».
Si le grain de riz est friable il s’agit soit des lézards, si vous les trouvez éparpillés çà et là sur les lieux de passage de ces reptiles. S’ils sont regroupés au pied d’un mur ou d’un tronc d’arbre qui laisse apparaitre une fente, vous êtes sous un abri à chauves-souris, et vous venez de découvrir leurs latrines.
Les lézards, comme les chauves-souris de votre jardin, sont exclusivement insectivores. Leurs crottes sont donc constituées d’innombrables fragments de carapaces d’insectes donnant des excréments fragiles, mais ô combien riches en minéraux.
En effet, la carapace des insectes est constituée de chitine, une substance organique azotée à la fois souple, solide et relativement légère : l’idéal pour ces petites bêtes volantes. Cette substance organique est donc biodégradable tout en étant riche en azote : de quoi faire rêver le jardinier.
Le guano : une nouvelle marque d’engrais ?
Et comme nous parlons crottes, soyons précis sur les termes, ça peut faire « classe » dans un repas de famille… On parle de guano pour les chauves-souris et les oiseaux marins, de crottes pour les autres mammifères, de fientes pour les autres oiseaux.
Ce rapprochement entre chauves-souris et oiseaux marins est sans doute dû à 2 caractéristiques qui les rapprochent :
- Leur concentration en quantité parfois énorme selon le nombre d’individus que constitue la colonie.
- Leur exploitation en tant que fertilisant des sols.
La guerre du guano d’oiseaux marins
Cette exploitation ne date pas d’hier, et fut la cause de conflits armés dans le Pacifique. En effet, en 1863, l’Espagne tenta de s’emparer des îles Chinchas mais fut mise en échec par le Chili et le Pérou qui unirent leur force lors de la guerre hispano sud-américaine ou guerre du guano.
Comme toute exploitation à grande échelle, ce fut un désastre pour les colonies à l’origine de cet or noir, principalement les oiseaux marins. Les 12 millions de tonnes extraits entre 1820 et 1860 à destination des Etats Unis, de l’Angleterre et de la France permirent à certains hommes d’affaires comme le français Auguste Dreyfus, d’être à la tête d’une des plus grandes fortunes du monde.
Mais revenons à nos moutons… ou plutôt à nos chauves-souris.
L’exploitation du guano de chauve-souris
Le guano de chauve-souris fut également exploité, mais les quantités en jeu permirent de limiter les dégâts, animaux et humains. Ce guano composé uniquement des restes de leurs proies, exempt d’urine contrairement aux oiseaux marins, est sec, permettant une conservation plus aisée et moins odorante.
Son exploitation est attestée en France et en Sardaigne depuis le milieu du XIX siècle.
Le guano est un engrais naturel riche en oligoéléments. Il est utilisé en Agriculture Biologique, ce qui ne veut pas forcément dire écologique : l’exploitation à grande échelle détruit souvent les milieux naturels et les colonies qui les peuplent, sans parler des emballages, des transports… le guano de chauve-souris est en tout cas, le plus complet et le moins cher des engrais naturels : entre 4 et 6 euros le kilo.
Qualité du guano
La minéralisation rapide du guano en fait le parfait engrais des sols froids ou à réchauffement tardif, permettant de ne pas raccourcir davantage la saison des cultures sur ces parcelles avec une fertilisation traditionnelle souvent bien plus longue.
Une autre qualité de cet engrais provient de son acidité et de sa faible teneur en calcium qui en fait l’engrais idéal des sols calcaires. Ainsi, il n’apporte pas davantage de calcium à ces sols déjà chargés, et rééquilibre le PH basique caractéristique de ces sols.
C’est donc un superbe complément à votre compost maison en utilisation ponctuelle dans votre potager en permaculture« , notamment pour les cultures gourmandes.
Composition du guano en NPK
Comparaison des teneurs en certains éléments chimiques dans le fumier de plusieurs mammifères | ||||||
Élément chimique (en kg/tonne) | Chauve-souris | Poule | Vache | Porc | Brebis | Cheval |
Azote | 100 | 40 | 6 | 3 | 6 | 8 |
Phosphore | 30 | 38 | 4 | 5 | 4 | 3 |
Potassium | 20 | 26 | 6 | 6 | 12 | 9 |
Source : Wikipédia
Même si les infos sont variables d’une étude à l’autre selon l’alimentation des animaux, les conditions et le temps de stockage, les ordres de grandeur des concentrations en NPK (azote, phosphore, potassium) placent sur la première marche du podium, le guano de chauve-souris quasi exæquo avec les poules pondeuses. Les autres apports d’origine animale étant à la traîne, loin derrière…
Rôle des éléments NPK dans le cycle végétal des plantes
L’azote (N) favorise surtout la pousse des parties vertes de la plante (tiges et feuilles), leur précocité et leur développement. Le cycle de l’azote est un cycle important au potager.
Le phosphore (P) joue sur la formation des fleurs et des graines et sur le développement radiculaire. Il renforce la résistance naturelle des plantes aux agressions quelles qu’elles soient.
La potasse (K) permet la floraison et le développement des fruits et de tous les organes de réserve tels que les racines et les tubercules. La coloration des fleurs et des fruits est améliorée ainsi que la résistance aux maladies.
Conclusion sur les crottes de chauve-souris
Vous avez des chauves-souris dans le grenier ? Eh bien bâchez maintenant, récoltez ce riz noir, stockez-le à l’abri de l’humidité et utilisez-le au potager, avec parcimonie, on l’a vu, c’est un engrais puissant. En permaculture, les déchets sont considérées comme des ressources«, c’est exactement le cas avec ce guano.
Et dorénavant, interdiction de pestiférer sur ces bestioles hideuses…
Pour conclure sur cette série d’articles :
Les chauves-souris sont à plusieurs titres les bienvenues dans votre jardin :
- elles annoncent les douces nuits au printemps à leur sortie d’hibernation.
- elles nous débarrassent des moustiques et autres insectes rabat-joie des soirées barbecues.
- elles limitent les populations d’insectes parfois destructeurs au potager.
- elles produisent un des meilleurs fertilisants existants pour booster ce même potager.
Et surtout, elles acceptent de cohabiter avec l’homme, sans rechigner… elles supportent le bruit de la tondeuse la journée quand elles dorment, la fumée du barbecue le soir venu quand elles chassent, les éclairages parfois superflus qui les perturbent la nuit…
Et si nous acceptions de cohabiter avec elles… de laisser la place à la nature autour de la maison. D’accepter les herbes folles, les vieux murs, les arbres creux…, de devenir colocaterres en somme, de partager les valeurs de partage et l’entraide qui en découlent. Osons tenter l’aventure !
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Sébastien Lazzaroni
Naturaliste de terrain depuis l'enfance, Sébastien Lazzaroni est un amoureux de la faune et de la flore sauvage. Il explore, observe, recense et préserve la nature sauvage grâce à la confection et la pose de nichoirs et d’aménagements divers. Ancien professeur de biologie, il partage, avec pédagogie, son expérience au travers de conférences déambulées pour comprendre, d’ateliers bricolage pour agir, d’articles hebdomadaires dédiés sur son blog colocaterre, et sa page Facebook colocaterre. Il conseille également les particuliers et les professionnels dans la mise en place de stratégies pour accueillir la biodiversité et en faire une alliée du jardin, du potager, des cultures, des vergers et de la douceur de vivre.
Article très intéressant mais pourrait-on avoir l’avis d’un virologue en complément?
Aucun risque viral à manipuler et réutiliser les déjections des espèces françaises?
Merci !