Dans l’épisode précédent, nous faisions le bilan automnal après un an d’aventure.
Aujourd’hui, alors que le printemps s’installe, faisons un point sur le second hiver de la forêt comestible de TERA, et plus particulièrement sur les soins d’entretien que nous lui avons apportés.
Prendre soin du sol et composer avec de nouvelles habitantes !
Le repos végétatif de la forêt-jardin nous a, en premier lieu, donné le temps de nous occuper du sol.
Après avoir poivré de compost mûr toutes les plantations, nous avons épandu une couche de broyat de bois (et un peu de feuilles mortes) sur toute la partie est des guildes, là où la pente est la plus marquée, et le sol le plus pauvre.
Collectivement (Fred, Vincent, Lucas, Isabelle, Pierre, Francesco, Jonathan, Paulin, moi…), nous avons enchaîné les allées et venues de brouettes pour répartir au râteau leur contenu sur toute la surface des guildes du pêcher, du prunier, du noisetier…
Cet apport de carbone en surface a vite commencé à être digéré par les vers de terre dont l’activité en surface s’est visiblement accrue dans les semaines suivantes. Un apport plus azoté suivra au printemps, avec la répartition des herbes de tonte (des allées et des parcelles de prairies) sur les guildes.
Les paillages au pied des plantations ont été renouvelés… pour être retrouvés mystérieusement éparpillés courant janvier ! L’énigme n’a pas duré longtemps, puisque j’ai rapidement surpris les poules en pleine escapade, loin de leur poulailler, en train de retourner tous les paillages du jardin-forêt en quête de nourriture !
En effet, depuis cet hiver, la ferme de Lartel accueille de nouvelles locataires pour la production d’œufs sains et pour préparer certaines planches de maraîchage. En permaculture, le problème étant la solution, il a simplement fallu construire un poulailler et un enclos mobiles plus adaptés, qui permettent à présent aux poules de circuler dans des zones bien délimitées.
D’ailleurs, elles ont fait ensuite leur grand retour à la forêt-jardin, dans la partie « vieux verger », plus adaptée et moins vulnérable à leur travail du sol. Là, elles peuvent se régaler notamment des larves de balanin au pied des noisetiers, pour, on l’espère, une récolte de noisettes moins abîmées l’été prochain.
Soigner les végétaux, fruitiers, arbustes, herbacées, du jardin-forêt.
Les « grands » fruitiers ont bénéficié d’une attention toute particulière cet hiver. Après la plantation, les tuteurs et collets ont été posés sur les nouveaux arbres. J’ai également passé en revue les points de greffe, pour m’assurer qu’ils ne se retrouvaient pas enterrés sous le compost ou le mulch (au risque de voir les greffons s’affranchir des porte-greffes et en perdre le bénéfice).
Un point technique : pour nos prochaines plantations de fruitiers greffés, j’envisage de systématiquement les surélever légèrement (10-20cm), afin que les apports ultérieurs pour protéger/enrichir le sol des guildes (paillage, herbe de tonte, broyat, fumier, feuilles mortes, etc.) ne puissent pas poser de problème d’ensevelissement des points de greffe.
J’ai également taillé tous les fruitiers de la forêt-jardin, que ce soit pour l’entretien (bois mort, chicots…), ou la formation. L’intérêt d’avoir planté un certain nombre de jeunes fruitiers de la même espèce est de pouvoir tester plusieurs options de formation.
En m’appuyant sur les techniques recommandées, j’ai par exemple choisi d’étêter certains pruniers ou cerisiers (scions), et de ne garder que quelques bourgeons pour l’établissement d’une structure multiaxe depuis le tronc.
Ou, pour certains pruniers, quand le scion est immense avec des rameaux anticipés (de la même année que l’axe central), j’envisage plutôt un axe unique avec arcure (courbure des futures branches fruitières vers le bas), l’été prochain.
Quel que soit votre choix, il est bon de se documenter abondamment avant de conduire vos jeunes arbres, car cela définira leur forme (dans tous les sens du terme) pour de nombreuses années.
À TERA, notre expérience est encore limitée et nul doute que le temps nous révélera des erreurs dans les choix de formation des fruitiers.
C’est bon pour monter en compétence, mais c’est également pour cela que nous avions aussi opté pour l’achat de quelques arbres déjà formés (âgés de 5 ans) en plus des scions et arbres de deux ans.
Ainsi, en diversifiant nos choix de conduite, l’âge de plantation, sans parler de la diversité variétale, nous maximisons notre champ d’apprentissage et nos chances de tirer une production de ce que nous plantons.
Au vieux verger, après m’être contenté de tailles d’entretien pendant deux ans, je me suis permis de plus grosses interventions cet hiver, notamment en élaguant (avec Isabelle) nettement un des noisetiers pour donner plus d’air et de lumière au pommier adjacent, ou encore en coupant les branches entravant les cheminements.
Les erreurs de taille de l’an dernier apparaissent également, car elles ont entraîné chez certains vieux fruitiers des réitérations (gourmands) nombreuses. La suppression de ces rameaux pointant vers le ciel est nécessaire, car ils reproduisent l’architecture d’un nouvel arbre et complexifient inutilement la structure du fruitier, tout en ne produisant que peu ou pas de fruits.
J’ai conservé uniquement les plus longs gourmands pour faire des tests d’arcure avec, mais l’idéal est de ne pas en avoir du tout et donc de bien tailler en amont !
Au niveau des herbacées, la saison froide est moins intense, car les désherbages ne reprendront qu’au printemps. Nous nous sommes contentés de contrôler paillages et protections.
À noter que c’est vers la fin de l’hiver qu’il est temps de buter les asperges (dans la guilde du pêcher, notamment) en vue de leur sortie prochaine.
Cette année, nous avons planté une quarantaine de griffes d’asperges en février (avec Fred, Jonathan, Myriam…), dont nous ne récolterons rien en 2018 pour laisser les racines s’implanter et se renforcer. Les griffes plantées début 2017 donneront leur première récolte ce printemps.
Afin de donner plus de liberté aux arbres et arbustes de la forêt comestible pour grandir selon leur port naturel, toutes les protections anti-chevreuil ont été raccourcies à 60 cm au lieu de 120 cm.
Ce qui nous autorise à faire ce choix (et prendre ce risque), c’est le constat que le répulsif naturel que nous avons employé l’an dernier a été efficace partout où il a été appliqué, y compris sur les plantes non protégées « mécaniquement » par les manchons.
Les pêchers ont été traités préventivement au macérât huileux d’ail maison, contre la cloque, et curativement au purin d’ortie contre les pucerons déjà installés en mars sur les arbres les plus fragiles.
L’efficacité chez nous du purin d’ortie à cet effet est discutable. Un éclaircissement manuel (au couteau) et l’arrivée salvatrice des coccinelles se montrent pour l’instant les plus efficaces, couplés à de la glu arboricole sur le tronc.
La glu empêche les fourmis de grimper, et donc de protéger les pucerons des coccinelles et de leurs larves.
Comme chaque saison, la nature nous donne en spectacle sa fragilité et sa résilience, avec par exemple la mort de nos deux mimosas d’hiver suite à une nuit particulièrement froide, et la renaissance en mars de nos pieds de consoude, laissés pour morts depuis leur carbonisation lors de la canicule de juin 2017.
Améliorations et évolution du design et de l’infrastructure du jardin-forêt.
La cartographie a été mise à jour par Lisa, que ce soit pour la haie ou pour les guildes. C’est très important pour garder la trace notamment des cultivars en place (il y a presque autant de variétés que de fruitiers chez nous).
Les modifications de cheminement et de délimitation des guildes ont été effectuées, et nous avons commencé à remplacer les piquets provisoires en bambou, par de gros piquets en châtaignier.
Le but est triple : c’est plus beau, plus durable (10 à 15 ans), et plus visible pour les visiteurs (nombreux au cours de l’année) qui ne connaissent pas les cheminements et piétinent sans s’en rendre compte les zones de cultures.
Fred a également construit une délimitation pour la ligne de framboisiers à l’entrée de la forêt-jardin. Les fils retiendront les framboisiers devenus plus âgés, qui ont tendance à s’étaler sur les côtés.
Le prochain gros défi de design va être en priorité d’amener l’eau du réseau primaire d’irrigation (que nous allons mettre en place ce printemps) jusqu’à la parcelle du jardin-forêt.
C’est un gros travail de conception et de mise en œuvre, car les réseaux secs et les réseaux humides de la ferme de Lartel vont exploser en densité dans les prochaines années (lancement progressif de toutes les activités de maraîchage, boulange, compost, atelier bois, forêt-jardin, gîte, etc.).
Il faut donc démêler un plat de spaghettis sur les plans pour y voir clair et ne pas enterrer les arrivées d’eaux là où il faudrait les déterrer un an plus tard (sans parler d’y mettre un coup de pioche).
Le travail collectif de la forêt jardin s’étend donc au travail collectif de TERA en termes de design permaculturel global de la ferme. Tout au long du printemps, nous allons travailler de concert pour harmoniser les besoins en espaces et flux des différentes activités du lieu, afin qu’entre autres conséquences, les jeunes plantations aient quelque chose à boire l’été prochain !
C’est tout pour aujourd’hui. La prochaine fois, j’espère vous parler de récoltes un peu plus conséquentes en quantité et en diversité, pour ce second printemps de la forêt comestible.
Et bien sûr, d’ici là, restez permacools !
Grégor Alécian
Faire ensemble
Outils participatifs pour les collectifs
Robina Mc Curdy
Éditions Passerelle Éco .
17 €
Créer un jardin-forêt
Une forêt comestible de fruits, légumes, aromatiques et champignons au jardin
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Éditions Imagine un colibri – 2012.
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Grégor Alécian
Citoyen en transition, permaculteur, initiateur du projet de forêt-jardin et membre de la commission communication chez TERA. TERA est un projet expérimental qui vise à construire un éco-village pour relocaliser à 85% la production vitale à ses habitants. TERA valorisera cette production en monnaie citoyenne locale, émise via un revenu d'autonomie pour chacun de ses habitants. Retrouvez plus d'informations sur le site de TERA : www.tera.coop
Bonjour Paul, je vous conseille de persévérer dans vos recherches car il existe de nombreuses associations locales de jardinage ou encore des S.E.L.(Système d’Echanges Local) qui pratiquent des trocs et dons de graines reproductibles/anciennes entre amateurs et même des réseaux associatifs qui se consacrent à la préservation de la biodiversité régionale (en Limousin, par exemple, nous avons le réseau 1001semences limousines, il en existe sûrement un dans votre région). Pour les trouver, il faut farfouiller sur Internet, vous renseigner auprès des mairies, des maisons des assos ou des offices de tourismes. De plus, au début du printemps, on voit de plus en plus souvent s’organiser des événements de type « Bourses aux graines » où se pratiquent généreusement des échanges et dons de semences paysannes entre amateurs. Je vous invite aussi à lire notre article sur la production de ses propres graines où vous trouverez des infos sur les grainothèques notamment : /pourquoi-comment-produire-ses-propres-graines-semences/ ! Beaucoup de gens sont très actifs et impliqués dans la préservation de la biodiversité, l’échange et le dons de semences, alors ne désespérez pas !
Bonjour,
Sur tous les sites de permaculture on trouve en effet un très grand nombre de conseils et de techniques mais jamais… Ou alors j’ai pas encore trouvé d’adresse, de lieux où s’approvisionner en graines pour des cultures de variétés anciennes. En dehors de Kokoopelli qui d’ailleurs les vend fort cher… Il n’existe donc pas dans ce monde merveilleux de la permaculture des assos, qui proposent des échanges ou même des dons que plus tard on pourrait « rembourser » avec « nos » graines ? La biodiversité tous les permaculteurs n’ont que ce mot à la bouche mais ils ne dévoilent jamais où ils dénichent leurs semences… A ce train là la biodiversité n’est pas prête de reconquérir le monde !
Bonjour Paul,
Il existe un grand nombre de moyen de se procurer des graines ou des fruitiers anciens. Dans le cadre de mon partenariat avec Permaculture Design je ne suis pas censé lister dans mes articles la liste des mes fournisseurs.
Magalie a bien résumé les pistes disponibles pour les semences. Sachez que dans un premier temps pour notre forêt jardin nous sommes passés par des semenciers (bio et non bio) facilement trouvables sur internet, ainsi que par des particuliers (toujours par internet). Plus le temps passe, plus nous nous installons dans notre territoire et plus nous pouvons nous passer d’internet et accéder à des semences locales par le bouche à oreille.
Au niveau des fruitiers anciens, je vous invite à vous renseigner sur les conservatoires végétaux les plus proches de chez vous. Ce sont des organismes solides et qui vendent de jeunes arbres de très nombreuses variétés adaptées au territoire.
Bon courage dans vos recherches.