Après un été chaud et sec à TERA, la fraîcheur est revenue à la forêt-jardin en septembre. L’occasion de profiter de quelques récoltes, et de se poser pour faire le point au bout d’un an… avant de repartir le nez dans le guidon !
La forêt comestible en permaculture souffle sa première bougie.
Le mois de septembre s’est, avant tout, traduit par un peu de relâchement sur le rythme des arrosages, avant leur arrêt complet en octobre. Les fraisiers remontants nous ont offert une seconde récolte jusqu’aux premiers jours de novembre ! Poireaux vivaces et autres herbacées sensibles à la sécheresse sont repartis de plus belle. Le vieux verger accolé aux jeunes guildes nous a fourni figues (tardives à cause du gel de printemps), noisettes, et autres récoltes appréciables.
Nous avons continué les désherbages sur toute la parcelle, avant que le froid ne prenne le relais pour nous jusqu’au mois de mars !
Mais l’événement le plus marquant de cet automne, c’est le premier anniversaire du projet ! Si les plantations ont commencé en janvier 2017, c’est bien en octobre-novembre 2016 que le projet a mûri et a été amorcé.
Le bilan est plutôt positif, avec 85 % de survie en taux moyen sur l’ensemble haie/fruitiers/arbustes/herbacées (jusqu’à 95 % sur notre haie champêtre). Ce sont les herbacées qui ont eu le plus de mal à s’implanter, notamment sur le sol encore pauvre (que nous allons aggrader en deuxième année) des guildes à l’est de la parcelle.
Une trentaine de personnes différentes au moins a travaillé sur le jardin-forêt tout au long de l’année. Volontaires de passage, permanents de TERA, voisins, tout le monde s’y est mis à un moment ou à un autre ! 1200 m2 de terrain ont été implantés, et ne demandent qu’à être entretenus et densifiés, sans parler des projets pour la seconde année !
Le visage de l’équipe jardin-forêt a pas mal évolué au fil des mois. Kenny et Olivier se sont éloignés (l’un pour faire le tour du monde, l’autre pour se recentrer sur d’autres projets). Lisa s’occupe toujours notamment de la cartographie et des tracés sur le terrain, ainsi que du suivi de la biodiversité. Mais elle se concentre aussi sur son projet de boulange pour TERA. Frédéric s’est de plus en plus investi au cours de l’année, ainsi que Francesco cet automne, même si chacun a ses projets à côté. L’instabilité constante du noyau dur de l’équipe peut-être une source de stress, mais c’est aussi le jeu de la gestion collective ! Et les nombreux permanents et volontaires qui continuent à mettre la main à la pâte (Jonathan, Agnès, Cyprien, Antoine, Lazhar, Manue, Alain, Quentin, Amélie, Pierre…) montrent une volonté commune de prendre soin d’une forêt qui prendra elle-même soin de nous. Il y a un enjeu constant de circulation de l’information, pour nourrir la conscience qu’à travers ce projet, nous construisons notre patrimoine d’autonomie.
Haie des abeilles, guildes végétales, haie brise-vent… Les plantations de la saison 2 commencent !
Après une « année 1 » commencée un peu « en retard » (premières plantations en janvier-février), l’idée cet automne a été de se replacer dans un créneau de plantations plus confortable et d’attaquer dès le mois de novembre, pour donner aux arbres et arbustes de meilleurs délais d’enracinement avant le printemps 2018.
Le plan de cette seconde année est de porter la surface des guildes végétales à 2000 m2 environ et de terminer la haie champêtre amorcée en 2017. Nous densifions également les guildes implantées en première année (principalement au niveau des herbacées). Une cabane de jardin va aussi être construite au printemps au cœur du jardin-forêt, pour rapprocher outils et consommables propres au projet et économiser du temps de déplacement pour ceux qui y travaillent. Des plantes vont être ajoutées « hors guildes » un peu partout. Nous poursuivons notre expérimentation des guildes végétales de Permaculture Design, avec l’implantation d’une guilde du kiwi, d’une guilde de la vigne, et de la haie des abeilles. Progressivement, nous étendons le jardin-forêt d’est en ouest, du haut de la pente vers le bas, du sol pauvre vers les terres plus riches. Nous n’avions pas choisi la facilité en première année !
Pour la seconde partie de la haie champêtre, nous avons décidé d’ajouter un effet brise-vent, en implantant une rangée d’arbres de haut jet derrière la première, en quinconce : un mètre entre chaque arbre de la première ligne, trois entre les hauts jets. Les espèces locales ont été privilégiées (érables, chênes, aubépines, prunelliers, genévriers, noisetiers, figuiers, églantiers, sureaux…), et la plupart du temps prélevées directement à d’autres endroits de notre domaine. Le taux de reprise sera plus incertain, mais ce sont des plants/boutures gratuits (en argent et en carbone pour le transport). En tout, ce sont cinquante-deux arbustes et une vingtaine d’arbres de haut jet qui seront implantés sur douze mois (les boutures resteront un an sous serre avant implantation), pour compléter la haie champêtre/brise-vent.
Pour finir, un plan d’irrigation (mêlant goutte-à-goutte et microaspersion) a été fait. L’objectif de la forêt-jardin est de se passer un maximum d’irrigation à terme. Cependant, le chemin pour y parvenir est long, et les sols (surtout sur la partie est de la parcelle), encore pauvres et compacts, et la vie y est dure en été. Nous choisissons donc d’aider les guildes à croître plus vite (voire simplement à survivre en été), pour que l’ombrage s’y développe et qu’associé aux amendements que nous allons apporter sur plusieurs années (paille, broyat, fumier, etc.), on arrive à une plus grande résilience face aux sécheresses. Partant de ce principe, arroser 2000 m2 (et le double d’ici deux ou trois ans) au tuyau de jardin, ce n’est plus possible, d’autant que notre source a un débit faible en été. Les travaux de curage de bassin sur notre terrain et d’installation d’une pompe adaptée sont prévus pour l’hiver. Nous nous coordonnons entre le pôle maraîchage et le jardin-forêt, pour avoir un unique réseau primaire d’irrigation sur tout le domaine.
Cette seconde année a été préparée dès la fin de l’été, avec une validation des plans et du budget en octobre, et les premières commandes reçues début novembre. Tout le reste de l’automne, nous avons planté les arbres et arbustes commandés en pépinière, transplanté des arbres et arbustes de notre terrain dans la haie, et bouturé d’autres essences locales (toujours pour la haie).
L’expérience transforme notre approche (individuelle et collective) du jardin-forêt.
Avec l’expérience qui s’accumule, tant en réussites qu’en échecs, nous nous adaptons de mieux en mieux à notre terrain et aux problèmes que nous pouvons rencontrer, et nous expérimentons davantage de nouvelles solutions. Par exemple, nous avons perdu quelques baguenaudiers au début de l’automne (alors qu’ils avaient bien résisté à la sécheresse). Les causes en restent floues (racines parfois pourries, parfois non), mais pour développer de nouvelles solutions, nous ne les avons pas tous remplacés à l’identique en ce début de seconde année. Nous testons à présent d’autres fixateurs d’azote (comme le goumi du Japon, qui a le double avantage d’avoir une taille maximale raisonnable et de produire des fruits comestibles), pour observer leur adaptation à notre terrain. Certaines herbacées trop sensibles à la sécheresse (ex : consoude) ou aux sols pauvres (ex : orties) ne seront pas remplacées tant que nous n’aurons pas amélioré suffisamment notre terre. En attendant, nous choisirons d’autres espèces pour les précéder.
Avec des connaissances théoriques plus solides, nous commençons aussi à prévenir plutôt que guérir. Par exemple, en remplaçant dans un plan de guilde le châtaigner proposé (qui s’adaptera mal à notre sol calcaire) par un autre arbre plus adapté.
Les modèles initiaux permettent de démarrer. Ensuite, observer, digérer les rétroactions, s’adapter constamment par ajouts ou retranchements, c’est entrer vraiment dans la permaculture.
Un autre exemple d’évolutivité nécessaire dans le design touche aux cheminements. Deux guildes (Prunier 2 et Cerisier 1, voir plan ci-dessus) ont vu leurs contours évoluer pour faciliter le futur passage d’un tracteur (guilde du prunier), ou simplement les cheminements à pied (guilde du cerisier). Vous pouvez comparer le plan présent dans cet article avec celui que j’avais publié précédemment pour voir ces évolutions.
Collectivement, nous sommes également mieux organisés. Si je suis absent, il y a maintenant systématiquement un référent provisoire (Francesco et Frédéric, les derniers en date) pour coordonner chantiers et entretiens avec une meilleure transmission de l’information (le souvenir littéralement cuisant du mois de juin nous a fait évoluer à ce sujet). Les chantiers de plantation sont eux-mêmes mieux organisés, puisque je sais mieux étaler la réception des colis dans le temps, et mesurer la quantité de travail humain (tant de personnes et tant de temps, pour tant de plants) nécessaire en amont. Nous piquetons également systématiquement nos emplacements en avance, pour gagner du temps à la plantation. Pour finir, tout le monde a gagné en expérience au bout d’un an.
Cette efficacité croissante nous a permis d’en faire plus, en moins de temps. À la fin de l’année 2017, nous avons déjà terminé nos plantations d’arbres et d’arbustes pour la seconde saison. Il restera les herbacées, de la fin de l’hiver au printemps. Nous sommes enfin calés sur un calendrier « normal », sans avoir à courir après les saisons comme l’an dernier.
Alors que l’année 2018 commence, nous pouvons donc souffler un peu sur les plantations… mais pas sur le reste, car il reste beaucoup de travail d’entretien avant le retour des beaux jours ! J’y reviendrai dans mon prochain article, consacré aux travaux d’hiver au jardin-forêt.
D’ici là, restez permacools !
Faire ensemble
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Les formations principales en permaculture
Les formations complémentaires en permaculture
Grégor Alécian
Citoyen en transition, permaculteur, initiateur du projet de forêt-jardin et membre de la commission communication chez TERA. TERA est un projet expérimental qui vise à construire un éco-village pour relocaliser à 85% la production vitale à ses habitants. TERA valorisera cette production en monnaie citoyenne locale, émise via un revenu d'autonomie pour chacun de ses habitants. Retrouvez plus d'informations sur le site de TERA : www.tera.coop
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